JOSSE FRANSSEN : un architecte au service de la modernité et de l’habitat collectif

Josse Franssen est un architecte belge dont l’œuvre, pourtant largement visible dans le paysage urbain bruxellois, est restée injustement peu documentée après sa mort. De son vivant, il a pourtant joui d’une certaine notoriété en étant publié dans des magazines et revues d’architecture, mais le temps a peu à peu effacé son nom, malgré la présence durable de ses réalisations dans l’espace public.

Pour remédier à cet oubli, une publication récente lui est consacrée. Elle s’inscrit dans une série qui vise à remettre en lumière ces architectes prolifiques, souvent engagés et influents, dont le travail a façonné nos villes mais dont la trace s’estompe dans la mémoire collective.

Parcours d’architectes / Fonds Mercator / Véronique Boone, Maurizio Cohen, Benoît Moritz, Maxime Delvaux

Franssen incarne parfaitement le profil de l’architecte engagé dans son temps. Il a centré sa carrière sur la production architecturale en militant pour une architecture de qualité, en particulier auprès des promoteurs immobiliers. Ce combat pour faire construire des bâtiments qui allient fonctionnalité, modernité et souci du bien-être des habitant·es fut l’enjeu majeur de sa vie professionnelle.

Un architecte à la croisée des courants modernes

Formé dans l’entre-deux-guerres, Josse Franssen a vécu la fin de l’Art nouveau, l’essor de l’Art déco et l’arrivée du mouvement moderne. Comme beaucoup d’architectes de sa génération, il a commencé par construire des maisons individuelles dans lesquelles il expérimentait de nouvelles solutions. Elles constituent autant de témoignages du passage d’un langage stylistique à un autre.

À partir des années 1930, une étape importante dans l’évolution architecturale s’opère notamment grâce à l’école de La Cambre, qui diffuse les idées modernes en Belgique. Franssen adhère progressivement à ces principes : rationalité, clarté constructive, hygiénisme, lumière et fonctionnalité deviennent des lignes directrices de sa pratique. S’il n’est pas pionnier du mouvement moderne au même titre que Victor Bourgeois, il en est néanmoins un interprète déterminé, reconnu par ses pairs comme porteur de ces nouvelles idées.

L’habitat moderne comme terrain d’expérimentation

La carrière de Franssen se caractérise par une importante production d’immeubles à appartements, souvent réalisés pour le promoteur Henri Ruttiens, avec lequel il a entretenu une collaboration emblématique — à la fois professionnelle et amicale. Au fil des décennies, il conçoit des centaines de logements collectifs, d’abord pour des classes populaires et moyennes, puis pour une clientèle plus aisée après la Seconde Guerre mondiale. Cette transition reflète les changements sociaux et économiques de la Belgique, tout en offrant à l’architecte un terrain d’expression particulièrement fertile.

Dans ces logements, Franssen expérimente de nouveaux plans rationalisés, attentifs aux circulations, à la modularité, à la qualité de l’air et de la lumière. Ses appartements sont souvent traversants, bien ventilés, et les pièces sont distribuées de manière à offrir une flexibilité d’usage. Il accorde également un soin particulier aux balcons, aux gardes-corps et aux espaces extérieurs, intégrant presque systématiquement des jardinières comme prolongement du séjour.

On retrouve facilement, dans son œuvre, une volonté de concilier rationalité et humanité : la rigueur constructive n’exclut chez lui ni la qualité de vie, ni l’esthétique.

Un art vivant au cœur de l’architecture

Un trait singulier de l’œuvre de Josse Franssen réside dans l’intégration d’œuvres d’art au sein de ses bâtiments. Souvent disposées près des entrées ou le long des façades, elles ponctuent l’expérience architecturale d’un supplément d’âme. Parfois abstraites, parfois figuratives, elles créent des contrastes dynamiques avec les lignes géométriques et rigides des structures en béton. Ces œuvres, réalisées notamment en collaboration avec le sculpteur Frans Lamberechts, ajoutent une dimension sensible aux édifices, tout en étant pensées pour être visibles depuis l’intérieur et l’extérieur, ce qui en fait de véritables marqueurs du quotidien.

L’exemple marquant de l’avenue de la Forêt de Soignes

Parmi ses réalisations les plus emblématiques figure un immeuble résidentiel des années 1950, situé face à l’hippodrome du Bois de la Cambre. Composé de deux volumes parallèles posés sur pilotis, cet édifice moderniste est isolé dans le paysage, ce qui lui confère une monumentalité étonnante. Toutes les unités sont traversantes, dotées de terrasses, et bénéficient d’importantes qualités de lumière et de confort — des principes fondamentaux dans l’approche de Franssen.

Héritage, réversibilité et réflexions contemporaines

Que ce soit dans ses constructions ou dans sa manière de concevoir le métier, Josse Franssen était un homme exigeant. Il ne publiait pas systématiquement ses bâtiments, estimant que certains n’avaient pas suivi ses idées jusqu’au bout. Ses plans révèlent également qu’il se désolidarisait parfois de la phase d’exécution, estimant que son rôle résidait avant tout dans la conception et non dans la supervision du chantier.

Son œuvre intègre par ailleurs, de manière précoce, des notions aujourd’hui très actuelles comme la réversibilité des bâtiments. Certains immeubles résidentiels qu’il a conçus ont pu être convertis en bureaux, puis redevenir des logements, prouesse rendue possible par la souplesse des plans et des structures.

Malgré sa production prolifique et son impact durable sur le paysage bruxellois, Josse Franssen est mort sans fortune. Son engagement était tourné vers le progrès, le confort des habitant·es, l’intégrité architecturale — plus que vers la notoriété ou l’enrichissement personnel.

Aujourd’hui, ses bâtiments traversent le temps. Ils continuent d’être habités, transformés, observés, parfois ignorés — mais toujours présents comme des témoins d’une architecture moderne, fonctionnelle, vivante et profondément humaine.

Propriétaire sa fille sur le balcon de leur habitation
Résidence Les Nations
Immeuble à appartements Florence
Résidence Europa
Résidence Europa II

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