EXPO : Style Congo / Heritage & Heresy

Style Congo. Heritage & Heresy étudie la politique de représentation et d’appropriation culturelle à travers des interventions artistiques et architecturales contemporaines ainsi que des documents historiques issus des collections du CIVA. L’exposition, dont les commissaires sont Sammy Baloji,Silvia Franceschini, Nikolaus Hirsch et Estelle Lecaille, raconte comment le Congo a été représenté dans les expositions internationales et coloniales organisées entre 1885 et 1958, avec l’Art nouveau comme point d’ancrage.

Le mouvement belge – appelé à l’époque aussi Style Congo – coïncide avec l’exploitation du Congo par le roi Léopold II et reflète une fascination très répandue pour les matériaux et les formes « exotiques ». En tant qu’œuvres d’art totales, les pavillons des expositions internationales et coloniales, illustrent la synthèse des arts à laquelle le modernisme aspirait, non seulement à travers la forme architecturale et les arts appliqués, mais aussi par la fusion entre la scénographie et les collections présentées, créant ainsi un précédent aux dispositions de monstrations dans les musées ethnographiques. À travers leurs constructions envoûtantes et leurs références séduisantes, les pavillons – utopistes chacun à leur manière – véhiculaient une double idée du Congo : colonie africaine lucrative et champ créatif pour les artistes et les architectes belges. Faisant étalage à la fois d’authenticité et de progrès, ces pavillons servaient de plateforme à la propagande culturelle et aux échanges économiques.

Les positions artistiques et architecturales contemporaines au sein de l’exposition remettent en question les histoires canoniques et les racines coloniales de ce patrimoine, et dès lors la perception de bâtiments qui sont devenus des icônes de la culture belge. En examinant les marques de la colonisation dans la ville de Bruxelles et dans le paysage urbain congolais, elles suggèrent une re-signification décoloniale des espaces privés et publics, s’efforçant de réécrire l’histoire en marge pour la ramener au centre.

Au cœur de l’exposition, il y a Congolisation (2023), une installation du studio d’architecture Traumnovelle basé à Bruxelles. Cette installation met en lumière la façon dont les architectes belges se sont appropriés et ont exploité la culture matérielle et la nature congolaise à travers une ligne du temps reprenant les différentes représentations du Congo dans les expositions internationales. Dans un agencement qui fait penser à des archives, une sélection de documents historiques (issus principalement des collections du CIVA) est organisée en une chronologie non linéaire, suggérant la possibilité d’un avenir alternatif.

Autour de l’installation de Traumnovelle, des œuvres de Judith Barry, Rossella Biscotti et Ruth Sacks créent des liens supplémentaires avec les différents pavillons historiques. Dans sa sculpture The Unmade Pavilion (2022), Sacks fait allusion au pavillon – jamais réalisé – de Victor Horta pour l’exposition de 1900 à Paris, tandis que l’œuvre de Biscotti, Congo Congo Bruxelles Brussel (2007), étudie la topographie coloniale de l’Exposition universelle de 1935 à Bruxelles en mettant en perspective le pavillon du Congo et le pavillon de la ville de Bruxelles. Un autre pavillon, aménage par Paul Hankar pour l’Exposition internationale de Bruxelles à Tervuren en 1897, est évoqué dans l’installation vidéo de Barry The Work of the Forest (1992), qui aborde le colonialisme européen en Afrique comme un moteur de l’accumulation de richesse en Belgique.

Le Musée Royal d’Afrique centrale de Tervuren et la présentation de ses collections : tel est le sujet de l’œuvre de Peggy Buth, Desire in Representation (2006–2008). Ses photos montrent les réagencements muséologiques des espaces tandis que le musée se débat avec la question de savoir comment représenter l’héritage culturel du Congo belge.

Les rapports entre colonialisme et Art nouveau sont explorés par Chrystel Mukeba à travers une série de portraits photographiques de Belges afro-descendants dans quelques- uns des bâtiments Art nouveau les plus emblématiques de Bruxelles, comme le Musée Horta et l’Hôtel Van Eetvelde. En suggérant une réappropriation symbolique de cet héritage compliqué, les œuvres posent une question : à qui ce patrimoine appartient-il aujourd’hui ?

L’héritage historique est aussi perceptible dans l’installation d’ayoh kré Duchâtelet, Ornaments and Crimes (2023), où création sonore et dessins, intégrant à la fois fiction et documentaire dans une dystopie futuriste, sont spatialisés dans une « salle d’écoute » interrogeant le rapport entre justice, pouvoir et histoire coloniale.

L’exploitation de l’environnement et des matières premières est abordée dans les œuvres de Daniela Ortiz, Johan Lagae et Paoletta Holst. La série de tableaux d’Ortiz The Rebellion of the Roots (2021) s’intéresse aux origines des jardins botaniques et des serres construites lors des expositions internationales au XIXe siècle. L’installation vidéo de Lagae et Holst étudie le travail d’Edmond Leplae, premier directeur des services de l’agriculture au ministère belge des Colonies, qui a voyagé sous les tropiques pour promouvoir la maison du colon en tant qu’instrument principal de mise en valeur de la colonie.

Enfin, Jean Katambayi Mukendi conçoit une installation in situ, qui explore le développement économique, urbain, industriel et architectural promis par l’Exposition internationale de 1931 à Elisabethville (Lubumbashi). À travers le prisme d’une profonde désillusion, il met en scène divers objets de rebut animés par des ampoules électriques, symbolisant ainsi la fée électricité qui n’a pas produit le miracle escompté.

Avec des œuvres de Judith Barry, Rossella Biscotti, Peggy Buth, ayoh kré Duchâtelet, Jean Katambayi Mukendi, Johan Lagae et Paoletta Holst, Chrystel Mukeba, Daniela Ortiz, Ruth Sacks et Traumnovelle.

Avec une sélection d’œuvres de Ernest Acker, Alfred Bastien, Victor Bourgeois, Joseph Caluwaers, Albéric Collin, Jacques Cury, Pierre de Vaucleroy, Arthur Dupagne, Jean-Jules Eggericx, Paul Hankar, Georges Hobé, Victor Horta, Henry Lacoste, Fernand Leroy, Edmond Leplae, Paul Mathieu, René Pechère, Fernand Petit, René Schoentjes, Gustave Serrurier- Bovy, Henry Van de Velde.

Plus d’infos :
Dates : 17.03 > 03.09.2023
Lieu : C.I.V.A.
Plus d’infos : civa.brussels

Affiche de l’exposition Style Congo / Heritage & Heresy – ©CIVA

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