BIODIVERSITÉ À BRUXELLES : Les citoyens demandent un moratoire sur la destruction des espaces naturels

Depuis février 2022, le Tuiniersforum des Jardiniers et un ensemble de collectifs citoyens organisent mensuellement une marche sur un des sites naturels bruxellois menacés. Au total, plus de 4.000 personnes de différentes zones de la région se sont rassemblées pour protéger ces espaces. Ces actions ont poussé les partis politiques à se positionner sur ce sujet, qui restera sur l’agenda gouvernemental. Mais les décisions politiques claires continuent de faire défaut. Les collectifs sont préoccupés par les politiques actuelles d’urbanisme, qui exacerbent les effets du changement climatique et encouragent le déclin de la biodiversité.

Le Tuiniersforum des jardiniers rappelle que les canicules des années passées ont causé 4.719 morts en Belgique depuis 2003 (source: https://public.emdat.be/data).

La vague de chaleur, deuxième de cet été, qui frappe durement le Sud de l’Europe et touchera demain la Belgique constitue dès lors non seulement une alerte climatique, mais également un danger pour les personnes les plus vulnérables.

C’est dans ce contexte que 26 collectifs citoyens et associations ont décidé de prendre une position commune : face aux crises, un moratoire sur la destruction des espaces naturels bruxellois est indispensable.

La Région bruxelloise continue en effet de détruire méthodiquement ses derniers espaces naturels à un rythme effréné, au détriment de la population, du climat et de l’économie. Priver Bruxelles des nombreux services écosystémiques fournis par les espaces naturels est une violence inacceptable envers ses habitants, humains et non-humains. Nous ne pouvons plus rester les bras croisés alors que les politiciens bruxellois nient la réalité de manière à poursuivre voire accélérer leur politique urbaine catastrophique de ces dernières années.

La Commission européenne ne dit d’ailleurs pas autre chose, qui, face au déclin alarmant de la biodiversité et en écho aux derniers rapports du GIEC, annonce un règlement destiné, entre autres, à mettre fin à la perte nette d’espaces verts urbains et du couvert arboré urbain. Elle souligne d’ores et déjà que la protection seule ne sera pas suffisante pour inverser la perte de biodiversité mais qu’il sera nécessaire d’accroître les espaces verts dans les zones urbaines.

Les 26 collectifs citoyens et associations signataires de la demande de moratoire, rédigé à l’initiative du Tuiniersforum des jardiniers, réclament des mesures fortes et immédiates pour mettre à l’abri les richesses naturelles qui peuvent encore être sauvées : il est indispensable et urgent de décréter un moratoire sur l’artificialisation des sols vivants et les abattages d’arbres.

Les signataires demandent en outre publiquement aux autorités régionales de faire du prochain PRAS un outil de la politique urbanistique régionale au service de la biodiversité et du climat, en accordant non seulement une protection stricte et définitive aux sols vivants et aux arbres, mais encore en ‘déminéralisant’ les zones excessivement artificialisées.

Alors que le grand boom immobilier de ces dernières années a fortement réduit les espaces ouverts et la nature – sans toutefois apporter de réponse au manque de logements sociaux et abordables – certains politiciens voudraient faire croire que la préservation de la nature à Bruxelles se fait au détriment des moins fortunés. Très conscients de la crise sociale qui frappe violemment et injustement un nombre croissant de Bruxellois, les collectifs signataires sont convaincus que la crise écologique et la crise sociale doivent trouver des réponses conjointes ne pouvant en aucun cas porter préjudice aux personnes vulnérables ni contribuer d’aucune manière à aggraver les inégalités sociales. Les solutions doivent être trouvées dans la rénovation, la reconversion, la lutte contre les logements vides et la protection des locataires contre les pratiques déloyales, etc.

Les signataires du Manifeste, porteurs de pétitions rassemblant 40 000 signatures ‘Stop béton’, demandent en vain depuis la mi-juin une audience au cabinet Vervoort pour envisager des solutions bruxelloises adaptées à la nouvelle donne climatique et au déclin brutal de la biodiversité.

Ce lundi 18 juillet, des représentants de ces comités sont donc allés de leur propre initiative déposer leur manifeste et lesdites pétitions au cabinet du Ministre-président.

Ils défendront ensuite leur position jusqu’à ce que le gouvernement régional arrête de détruire la biodiversité, indispensable à Bruxelles et à ses habitant-e-s.

De quoi parle le moratoire ?

1. La Région bruxelloise détruit méthodiquement ses derniers espaces naturels: les citoyens réagissent.

Mois de la nature, semaine de l’arbre, journées bruxelloises de l’eau etc. – les opérations de communication « vertes » se multiplient. Pourtant, concrètement, la Région n’infléchit pas ses pratiques de développement territorial, provoquant le recul de la nature à Bruxelles et contribuant également au problème climatique.

Entre 2003 et 2016, Bruxelles a perdu 14 % de ses espaces verts et la dynamique est loin d’être freinée à ce jour : des dizaines d’hectares d’espaces naturels, semi-naturels, verts, ainsi que la fragile biodiversité qui y loge, sont directement menacés. Outre les sites actuellement défendus par les citoyens : Mediapark et le Bois Georgin (1030), le Champ des Cailles (1170), la friche Josaphat (1030), le Donderberg (1020), le Marais Wiels (1190), le Meylemeersch (1070), le Val d’or (1200), le Keyenbempt (1180), La Plaine (1050), Tenreuken (1170), Hippodrome de Boitsfort (1180), Biestebroek (1070) …, le substrat naturel bruxellois – ressource non renouvelable tant vantée par le plan Good soil de Bruxelles-Environnement – continue d’être grignoté à bas bruit par une multitude de chantiers non médiatisés.

Comment la Région parviendra-t-elle à respecter ses engagements, récemment revus à la hausse, en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), en continuant à détruire puits de carbone, arbres par milliers (Cité administrative, bois Georgin, Donderberg, Rempart des Moines, av. L. Bertrand, bd de Stalingrad, Square Riga, Tenreuken …) et sols vivants ?

Concours de circonstance ou plutôt signe clair de préoccupations dans l’air du temps, la Commission européenne annonce un règlement sur la restauration de la nature dans l’espace européen visant notamment à stopper la perte des zones naturelles en milieu urbain dans un premier temps, avant de les développer dans un second temps.

Inquiets et en colère, les associations de citoyens réagissent et se regroupent. En l’espace d’à peine 24 mois, les pétitions Stop Béton – Friche Josaphat, Save Donderberg, Champ des cailles, Let’s save Tenreuken et Sauvons le Meylemeersch ont rassemblé ensemble plus de 40 000 signatures !

2. Impact climatique massif de la construction et absence de comptabilité du bilan carbone : les citoyens réagissent

On sait le secteur de la construction très énergivore, surtout parce que l’empreinte climatique des matériaux de construction (ciment, sable, brique, béton, acier), due à leurs chaînes de production, transport et conditionnement, est très élevée. Ces connaissances ne sont pas prises en compte lors de l’évaluation des nouveaux projets de construction ou lors des opérations de démolition- reconstruction qui foisonnent sur le territoire régional (Rempart des Moines, rue Botanique, bd de Waterloo, rue Lebeau, etc.).

Les nouvelles constructions sur les derniers espaces naturels bruxellois sont les plus problématiques, à la fois pour le climat et pour la biodiversité. Leur impact climatique et écologique, comprenant les émissions de carbone des sols sacrifiés, ne pourra être évalué que si le calcul du bilan carbone des projets immobiliers, et particulièrement des Plans d’Aménagement directeurs (PAD), devient une obligation, soumise à l’appréciation des citoyens et de la commission de concertation.

Les Shifters Belgique ont lancé une pétition dans ce sens et seront amenés à en débattre en commission parlementaire. Les citoyens seront particulièrement vigilants aux procédures mises en œuvre lors de cette commission et ensuite.

À ce jour, nous avons toutes raisons d’être préoccupés : alors que nous savons déjà que la limitation du réchauffement à 1,5°C, en vertu de l’accord de Paris, ne sera pas respectée et que les effets actuels du changement climatique sont plus rapides et abrupts que prévus, y compris « chez nous », la Belgique n’est pas sur la bonne trajectoire de réduction des émissions de GES. De plus, une part significative de nos émissions de carbone ne sont pas comptabilisée parce qu’elles sont externalisées (importation de biens).

En vue d’atteindre l’objectif de la neutralité carbone en 2050 et de vivre dans une ville vivable, cesser d’artificialiser les sols vivants et d’abattre des arbres est un préalable absolument indispensable. En outre, priver Bruxelles des services écosystémiques de la nature contre la pollution de l’air, les îlots de chaleur, les inondations et en faveur de la santé mentale est une violence inacceptable envers tous les citoyens.

3. Impact massif de la construction sur la biodiversité et l’absence de mesures suffisantes : les citoyens réagissent

Concernant la biodiversité, l’extinction des espèces à Bruxelles est brutale, notamment pour les insectes et les oiseaux. Le gouvernement s’est engagé à soutenir la biodiversité, mais comment le faire en continuant à détruire les derniers grands écosystèmes en dépit des avertissements des naturalistes et écologues ?

À ce jour la Région mobilise les citoyens pour protéger ce qui reste de biodiversité, tandis qu’elle organise dans le même temps le saccage des conditions qui permettraient d’améliorer la situation : délivrance de permis d’urbanisme et d’environnement pour construire sur de grands espaces naturels abritant des milliers d’espèces, dont un quart dans le sol, refus de protection stricte d’espaces dédiés, interruption des trames verte et bleue, abattage administratif d’arbres encombrants etc. sont autant d’orientations écocidaires.

Agir contre le climat n’est plus tolérable, mais comme le rappelle avec urgence le GIEC, l’attentisme n’est pas non plus une option : tant qu’aucune politique climatique viable et circonstanciée n’est établie, il est impératif de mettre à l’abri les richesses naturelles qui peuvent encore être sauvées en décrétant un moratoire sur la destruction des sols vivants.

4. Perspective du ‘PRAS 2024’ : un moratoire est indispensable et urgent

La convergence du futur PRAS, du prochain Plan Nature et des élections communales et régionales en 2024/2025 doit être l’occasion d’écrire en droit la préservation des conditions d’un environnement sain et d’une ville vivable, dont le patrimoine commun et irremplaçable des sols vivants est le substrat.

Nous ne pouvons plus nous permettre de dilapider un foncier régional stratégique auquel nous n’aurons plus accès à l’avenir. Nous ne devons pas attendre le nouveau PRAS pour commencer à agir avec diligence et prudence : plus on attend et plus le coût écologique, humain, social et financier, que nous paierons tous, sera élevé. Une action immédiate signifie également la meilleure protection pour la population la plus fragile, qui est aussi le plus exposée aux conséquences de l’inaction climatique.

Dans l’attente du nouveau PRAS, il est urgent de sauver les écosystèmes menacés et d’empêcher toute action irréversible : un moratoire est indispensable.

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